Auteur : Marco Wingender

 

Il y a quelques jours, donnant suite à la fermeture de plusieurs dizaines de points de services et de guichets automatiques depuis 2022, le Mouvement Desjardins annonçait son intention de poursuivre sur sa lancée et de fermer 30% de son parc de prestation de services d’ici le 31 décembre 2026 tout en maintenant sa volonté de faire disparaître pour de bon ses guichets automatiques d’ici 2028 afin de laisser toute la place aux « solutions » numériques.

Cette nouvelle vague de rationalisation et de concentration de l’offre de services de Desjardins sur son territoire, suscitant encore une fois la grogne populaire, s’inscrit dans une succession continue, depuis 2008, de restructurations et centralisations organisationnelles, de fermetures de points de services ainsi que de mises à pied massives exécutées sur une base régulière.

Il faut savoir que ce travail de démolition contrôlée du patrimoine de Desjardins et de sabotage de sa mission coopérative — celle de « contribuer au développement et au bien-être des personnes et des communautés » — a débuté avec l’arrivée à la présidence de Monique F. Leroux, anciennement Chief Financial Officer (CFO) à la Royal Bank of Canada et une carriériste à l’égo démesuré. Je le sais car à l’époque, j’agissais en qualité de conseiller en communication auprès du numéro 2 du Mouvement, Marc Laplante, Premier vice-président exécutif à la direction du Mouvement Desjardins et directeur général de la Fédération, un homme d’une grande compétence que j’admirais et qui avait réellement à cœur la cause coopérative.

 

Monique F. Leroux et la « banquification »

J’ai vu de mes propres yeux comment Leroux a travaillé main dans la main avec l’infâme firme-conseil mondiale McKinsey pour « banquifier » toujours plus ce fleuron coopératif dans l’histoire du Québec et des Canadiens français du pays, longtemps négligés par le « Grand capital » anglo-saxon. J’ai aussi pris connaissance de la purge organisationnelle que cette gestionnaire intraitable a opérée dès son arrivée au pouvoir en supprimant et en licenciant au sein de la Fédération Desjardins (l’entité corporative responsable de l’orientation, de l’encadrement, de la coordination, de la trésorerie et du développement du Mouvement Desjardins) les principaux dirigeants et les « têtes fortes » de la veille garde pour les remplacer par des administrateurs, tout aussi carriéristes qu’elle, qui lui seraient plus réceptifs.

Au cours de l’année 2013, Leroux aura même eu raison de M. Laplante, ce gestionnaire d’exception ayant Desjardins tatoué sur le cœur, qui a décidé de quitter le navire car de l’avis général, il n’était plus disposé à composer avec cette femme d’affaires ambitieuse. À preuve, les innombrables doctorats honorifiques à la valeur douteuse que Leroux s’est vue décerner par pratiquement toutes les universités de l’Est du pays — incluant le Collège militaire de Kingston. Il en va de même pour les nombreux honneurs personnels et prix de reconnaissance récoltés à grands frais à même les fonds du Mouvement (donc l’argent de ses membres), car découlant de longues et fastidieuses démarches de mise en candidature car découlant de longues et fastidieuses démarches de mise en candidature par une firme de relations publiques bien connue. Depuis, la sale besogne de dénaturation et de « banquification » se poursuit sans relâche sous les ordres de Guy Cormier, à l’époque le dauphin de Leroux — son simple DG de caisse quand elle est devenue présidente — dont la progression fulgurante au sein du Mouvement est due aux desseins de sa marraine d’en faire son successeur au terme de ses deux mandats de quatre ans à titre de présidente.

 

Reprendre le contrôle

Devant ce triste et troublant état des choses, Alphonse et Dorimène Desjardins se retourneraient dans leur tombe. Ce Mouvement qu’ils ont initié au début du siècle dernier , jadis un joyau québécois aujourd’hui capturé par des banquiers arrivistes, n’est plus l’ombre de lui-même et dans la présente trajectoire poursuivie, il est condamné à n’avoir de coopératif que le nom pour se travestir en une banque — dont la seule obligation consiste à maximiser ses profits pour le bénéfice de ses actionnaires — comme les autres.

La bonne nouvelle, c’est que le Mouvement Desjardins appartient toujours à ses membres au nombre de plus de sept millions au Québec et au Canada. Il en revient à ces gens du peuple de reprendre le contrôle de leur coopérative financière. Sauver Desjardins des griffes de cet establishment sans âme requiert une mobilisation massive et soutenue de sa base pour regagner les sièges des conseils d’administration de chacune des caisses « populaires » à l’échelle de son réseau afin de faire entendre sa volonté et de s’assurer de la faire respecter jusqu’aux plus hauts échelons.