Auteur : Karine Collette
La construction sociale du bouc émissaire
Au moyen-âge, le tort reproché au bouc émissaire était de contrecarrer l’ordre naturel des choses, ce qui justifiait la ségrégation des lépreux ou l’exécution des sorcières. Aujourd’hui, chez nous, plusieurs voix politiques et journalistiques disséminent un discours accusant une présupposée communauté d’anti-vax d’être la cause de la propagation du variant Omicron, autrement-dit, d’être à l’origine de l’échec de la politique sanitaire. Et c’est là que le bât blesse : si la mise à mort sociale des non-vaccinés peut procurer un effet instantané de soulagement, de catharsis éphémère, l’illusion du purgatoire salvateur par la condamnation des non-vaccinés ne ressuscitera pas les services dans les hôpitaux publics, n’enrayera pas la contagion d’Omicron et suites, n’installera pas des purificateurs d’air dans les écoles, pas plus qu’elle ne mettra fin à l’état d’urgence. Elle permet tout au plus de dissimuler temporairement l’échec de la politique sanitaire gouvernementale par une distraction qui transfère le blâme hors des rangs gouvernementaux.
On dépeint les non-vaccinés comme des ennemis de l’intérieur, des traitres sociopolitiques auxquels on doit opposer un traitement punitif et ségrégationniste. En plus des interdictions liées au passeport sanitaire en cours, le gouvernement fédéral annonce leur exclusion de l’assurance emploi et la rumeur accusatrice réclame de « serrer [davantage] la vis », d’imposer la vaccination, un confinement ciblé et d’autres pénalités encore : de l’impôt supplémentaire à la facturation des soins, en passant par l’interdiction au travail, à la SAQ, etc. Bref, une infantilisation punitive sur le mode du chantage et de la sanction sociale.
Dans le même temps, ce discours fait mine d’ignorer que la vaccination n’empêche ni la propagation, ni la maladie mais diminuerait, selon des calculs spéculatifs, les risques d’hospitalisation ; on oublie que les non-vaccinés, sans passe sanitaire, sont déjà tenus à l’écart de moult lieux et activités, donc difficilement propagateurs ; on mentionne l’occupation des lits selon une proportion par million, qui inverse le rapport des nombres de lits occupés par les vaccinés et non-vaccinés. Conçue dans le sérail sensationnaliste de la peur, l’information médiatique ne précise pas les conditions médicales, l’âge ni la vaccination des malades COVID aux soins intensifs et des personnes décédées. Enfin, l’amalgame entre hospitalisés testés positifs mais asymptomatiques et hospitalisés en raison de la COVID, donc nécessitant ou non des soins pour cette maladie, grossit artificiellement le problème, tout comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre lorsque le nombre de cas (toutes gravités confondues) a surgi dans le discours politique et les manchettes des journaux, faisant exploser les chiffres et grimper le sentiment d’urgence, d’alerte, de danger.
On devrait interroger cette coïncidence prémonitoire et régulière, entre les dramatisations médiatiques de l’actualité sanitaire et les mises à jour politiques des mesures, à savoir restrictions sociales, fermetures d’écoles, délestage hospitalier, campagnes vaccinales et j’en passe. Car la prolongation de l’état d’urgence sanitaire résonne dans le silence assourdissant d’un effet d’évidence, et le mot confinement n’est même plus prononcé par les autorités qui l’imposent, comme s’il allait de soi. Et pourtant, la fatigue pandémique s’accroît, au rythme d’une politique redondante et truffée de contradictions, où la vaccination, désormais triple dose, s’affiche comme le (Saint) graal de l’entêtement politique : on a quelques centaines de millions de doses en précommande jusqu’à 2024…
Le gouvernement aurait-il donc quelque intérêt au sacrifice social des non-vaccinés? Comme rediriger simultanément le ressentiment et la colère inassouvie d’une population échaudée et épeurée à maintes reprises afin de perpétuer sa politique? Or, la sécurité sanitaire n’adviendra pas avec la condamnation d’une catégorie de la population ; on gravit plutôt une marche supplémentaire vers l’obéissance passive au conformisme sanitaire et numérique, édicté par la ploutocratie néolibérale.
Les idées (néolibérales) dans l’air
« Seule une crise — réelle ou supposée — peut produire des changements. Lorsqu’elle se produit, les mesures à prendre dépendent des idées alors en vigueur. Telle est, me semble-t-il, notre véritable fonction : trouver des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles deviennent politiquement inévitables. »
Milton Friedman, économiste de l’École de Chicago
Dans sa réflexion sur le capitalisme du désastre, Naomi Klein pointe l’économiste conservateur Milton Friedman, selon qui les grands changements ont lieu à l’occasion de catastrophes (naturelles, crises économiques, guerres), sur la base d’idées qui circulent dans l’air. Et Klein montre qu’en effet les idées néolibérales de la révolution conservatrice inspirées par Friedman se fraient un chemin opportuniste à ces occasions. « Pour lui, l’État a pour unique fonction, ¨de protéger notre liberté contre ses ennemis extérieurs et contre nos concitoyens eux-mêmes : il fait régner la loi et l’ordre, il fait respecter les contrats privés, et il favorise la concurrence.¨ En d’autres termes, il s’agit de fournir les policiers et les soldats — tout le reste, y compris l’éducation publique gratuite, n’est qu’ingérence au sein des marchés » (p.10).
Et voilà comment à la Nouvelle Orléans, après l’ouragan Katrina, des 127 écoles publiques initiales il n’en resta que 4 (avec quelque 4 700 personnels syndiqués perdant leur emploi) et les écoles à charte (subventionnées par le public mais exploitées par le privé, et sans syndicats) passèrent de 7 à 31. Le gouvernement a simplement offert aux familles des bons d’études pour la scolarisation dans le privé, plutôt que de reconstruire les établissements publics. Voilà comment le capitalisme du désastre profite des traumatismes collectifs faisant suite aux catastrophes, parfois même orchestrées par les tenants de la révolution conservatrice, afin de modifier de part en part le système politico-social d’un pays.
Autrement dit, à la faveur d’une crise où l’incertitude, la peur et le ressentiment prédisposent la population à toutes sortes de manipulations médiatiques, scientistes et politiques, on peut sérieusement craindre que l’enjeu, comme s’il n’était pas suffisant, dépasse la liquidation d’un groupe populationnel.
Premièrement, l’idée de mettre au banc quelque 10 % de la population, en créant davantage d’exclusion, de pauvreté et de désespoir, est en train de devenir socialement acceptable parce qu’on la construit sur la vulnérabilité pathétique d’une population amenée par un état autoritaire à contracter contre elle-même (c’est-à-dire soumise à des restrictions qui heurtent son sentiment de liberté). C’est effectivement le ressentiment, la frustration collective due à la privation de nombreuses libertés qui rendent féconde la violence médiatique et politique de la construction sociale du bouc émissaire : le traitement impensable qu’on s’apprête à administrer aux non-vaccinés serait socialement inacceptable hors ladite crise.
Deuxièmement, ce virage qu’on retiendra peut-être parmi les étapes historiques de notre effondrement, épouse pleinement une conception ultra-libérale et extrémiste de la sécurité, où chacun incarne un danger sanitaire pour les autres, où chacun doit être individuellement et exclusivement responsable de sa santé (exit les déterminants sociaux de la santé) tout en étant redevable à tous de son état de santé (et même contrôlable par tout un chacun). Refuserons-nous vraiment d’entrevoir que la mise à mort sociale des non-vaccinés présage probablement la destruction totale des services publics de santé et d’éducation? Que la passe sanitaire sera progressivement assortie d’autres obligations que vaccinales, au prétexte des crises sanitaires, climatiques et sociales à venir? Et le contrôle numérique fort probablement renforcé, de façon à « simplifier » l’utilisation et « optimiser » les mises à jour des autorisations et interdictions selon notre degré de conformation aux critères de sécurité sanitaire (et autres déclinaisons possibles)?
Refuserons-nous vraiment de comprendre qu’une autre catégorie sanitaire de concitoyens pourra être ensuite placée sur le banc des accusés : et l’on exclura de l’école pourquoi pas les asymptomatiques ou tout autre groupe jugé dangereux?
on va finir comme les martyrs dans un futur peut-être, comme des sorcières au bûcher au moyen age ou les templiers…c’est triste a notre époque qu’on croyait « avancé » que des gens en veulent jusqu’à souhaitez la mise a mort de leur semblable, c’est vraiment triste. et ta tout a fait raison ils ne s’arrenteront pas la avec le passe. Reste juste a Priez, pardonnez les car ils ne savent pas ce qu’ils font..
Excellent article qui montre bien le glissement progressif et presque insensible vers un contrôle total des citoyens pour la bonne cause et pour notre bien. J’ai beaucoup apprécié la référence à l’effet miroir aux alouettes par l’utilisation d’une population bouc émissaire – les non-vaccinés- pour cacher la mauvaise gestion des soins de santé depuis belle lurette et partout dans les pays riches et industrialisés. L’utilisation des bouc émissaires correspond aux instincts les plus lâches des groupes humains. Car n’en doutons pas, la majorité de la population est d’accord avec cette stigmatisation ( avec des journalistes qui jettent constamment de l’huile sur le feu) sinon les gouvernements n’utiliseraient pas cette arme. D’ailleurs le ministre de la santé monsieur Dubé semble lui-même mal à l’aise avec ses propres propos, comme s »il était téléguidé. En passant la période du Moyen âge était terminée lors de la fameuse et triste chasse aux sorcières. On était alors à la période dite Renaissance. Mais comme le Moyen âge a le dos large et mérite bien entendu beaucoup d’excès, il n’est pas nécessaire de lui ajouter celui-là, surtout que, parait-il, c’était surtout des régions complètement déchristianisées qui brûlaient le plus!
Quoiqu’il en soit merci pour cet article de qualité comme on en trouve beaucoup sur ce site.
Très intéressant votre travail.Félicitation.
J’ajouterais une petite remarque : au lieu de discréditer et d’emmerder les non-vaccinés, je souligne que ces personnes servent directement de groupe témoin intéressant pour les études scientifiques sérieuses…C’est peut-être cela qui est dérangeant pour le pouvoir ???
Le retour de Nuremberg et l’arrivée finale du jugement universelle de l’humanité entière seront hélas à nos portes très bientôt! Tenons-nous prêts pour faire face à la vraie justice et à répondre de nos propres oeuvres qu’elles soient bonnes ou mauvaises!
C’est incroyable le mal que de telles mesures font a notre société. Ces politiciens n’avaient pas le CV pour la tache qui les attendaient.
De toute façon ceux ou celles qui auraient ce CV, auraient été démolie par l’actuel non-qualité de nos médias. Il y aurait tellement à dire sur ce thème. Merci pour ce rappel que l’histoire ne fera que se répéter si nous ne sommes pas aguets. Être dans l’action est une composante essentielle à notre santé mentale.
Je tiens à préciser que plusieurs d’entre nous sommes présentement vaccinés adéquatement parce que nous avions confiance en l’intégrité de notre système politique.
Il est vrai que les médias nous répètent que la majorité du peuple qui s’est plié à la première vague de vaccination, approuvent le changement constitutionnel que nous vivons présentement, ils nous répètent que c’est ce que la majorité de la population souhaite.
Mais beaucoup d’entre nous n’osent plus s’exprimer librement, de peur de devenir eux aussi ciblés par l’hystérie de masse qui est créer et maintenu par ‘l’establishment’ pour citer le défunt Pierre Falardeau, donnant de plus en plus de visibilité aux idées proposée pour nous rapprocher de plus en plus vers une société dystopique qui n’était que de la fiction il y’a seulement quelques années.
Les ultimes responsable de cette situation exercent leur volonté avec une main de fer, cachés derrière leur forteresse de verre.
Ce système autoritaire peut seulement fonctionner si la majorité de la population supporte le gouvernement en place ou si la majorité de la population en vient à croire que la majorité de la population supporte ces mesures.
La dissidence, définie par cet ‘establishment’ étant punissable, plusieurs restent silencieux et laissent place à un seul côté de la discussion de devenir la réalité.
L’utilisation de la torture psychologique, basé sur la charte de Biderman, selon la définition d’amnistie canada par nos élus afin de créer un climat d’hystérie de masse, mènent à un état psychologique d’acceptation, du besoin de blâmer son voisin et mène à un contrôle absolu sur la population, excercer par les forces de l’ordre qui ne font que suivre les ordres sous constante menace de perdre leur emploi s’il ne se plient pas aux règles établies par nos élus, qui consiste à s’assurer qu’une partie de la population ne puisse plus travailler, ironiquement, ils sont la cause et l’outil qui impose à une partie de la population, ce dont ils ont si peur qu’ils leur arrivent.
L’histoire nous a appris que le monde entier a payé cher en sacrifice pour s’assurer qu’il était nécessaire que la situation ne se reproduise jamais, le monde entier s’est entendu que certains droits étaient fondamentaux et que des actions soient prises pour s’assurer de défendre ces idéaux.
L’histoire nous a aussi appris que tout individu reste seul responsable de ses propres actions, que la défense: je ne faisais que suivre les ordres, n’étaient et ne soient plus jamais accepté afin d’éviter d’être tenu responsable de ses actions.
Les outils d’oppression sont occupés par des individus de notre société, tout le monde à une famille, des proches, des enfants et petits enfants, des frères et des sœurs.
Les gens de notre société qui deviennent les outils qui forcent ces changements. Ce sont eux qui forgent une société qui sera l’héritage qu’ils laisseront aux gens qu’ils aiment. Ces gens qui ont juré sous serment de servir et protéger les fondations de notre société sont l’outil utilisé afin que ces fondations deviennent ce dont on leur a fait confiance de défendre pour le bien commun.
Les gens qui sont devenu cet outils ont le devoir de se poser la question, acceptent ils d’être responsable directement de cet héritage qu’ils laisseront à ceux qu’ils aiment et chérissent?
C’est eux contre nous, ils sont peu nombreux et nous sommes bien plus nombreux qu’eux. C’est à nous les citoyens de décider dans quelle société nous acceptons de vivre. Si nous sommes déterminés à s’assurer de vivre dans notre société, c’est à nous de les empêcher de décider pour nous.
Nous bâtissons actuellement une société sans âme dont l’avenir pour nos enfants sera la détresse le désespoir et enfin un monde suicidaire.C’est notre silence qui nous divise et brise de l’intérieur.La peur crée son sillon inlassablement de plus en plus profondément comme dans les tranchés des soldats pendant les guerres.Ceux-ci creusaient leurs propres fausses sans comprendre les vrai raisons de cette barbarie que leurs élites politiques et financières leurs imposaient depuis des millénaires.Mais voilà par miracle un rayon d’espoir s’ouvre devant nous.Ce jour est arrivé pour le salut de l’humanité.Il est imprimé en vos cœurs du sang valeureux de vos ancêtres.COURAGE COURAGE COURAGE.
Si jamais un individu, ou un groupe d’individu, aurait ne serait-ce que parlé d’exclure un autre groupe de gens de la vie sociale (ça s’est produit avec les Juifs et auparavant avec les gens de couleurs) , il y aurait eu beaucoup de cris et d’actions pour empêcher cela. Aujourd’hui certains sont mis de côté dans la société pour leur choix vaccinal, et s’est justement nos dirigeants (qui devraient empêcher cela) qui, non seulement, mènent cette danse, mais surtout qui encourage cette hystérie dans la société. Toute qu’une société inclusive! Comme disait Gilles Vigneault: A semer du vent de cette force-là, ils se préparent une joyeuse tempête!
Bon texte, bien écrit, cependant c’est pas avec ça que vous rejoindrez le québécois commun, illettré, endoctriné et inculte, celui qui regarde TVA et lis le journal de Montréal… Vulgarisé et rediffusé pour atteindre la masse… Si vous parlez trop bien ils ne comprennent pas.